Aide de jeu : Maîtriser Ce Brave Titus (CB#12) 11/01/2016
par Julien Dutel
Il y a quelques temps, avant même que le projet de site participatif se dessine, j'avais décidé d'ouvrir un blog personnel afin d'y écrire quelques articles en lien avec mes créations au sein du magazine. Ces articles, étendant les scénarios et évenutellement les bouts d'univers proposés, avaient toute leur place au sein du nouveau site Casus Belli. Dans les prochaines semaines, je rappatrierai donc les articles déjà écrits ici avant d'en écrire de nouveaux. Et en attendant, attelons-nous au coeur de cet article : la maîtrise du scénario Ce Brave Titus, présent dans le numéro 12 de Casus Belli.
Ce Brave Titus n'est pas le premier scénario que j'ai écrit pour ces deux jeux dans les pages de Casus Belli. Dans le numéro 9, déjà, Pendant que le Loup y est Pas commençait à dessiner ce que je vois comme mon petit univers de D&D. Ces deux scénarios ont un point en commun. Outre le fait d'être destinés à des personnages de bas niveau, ce sont surtout des scénarios moins "high fantasy" que ce à quoi les donjonneries nous habituent.
En réalité, l'un comme l'autre pourraient se jouer avec bien des jeux. Pendant que le Loup y est pas, par exemple, fonctionnerait parfaitement dans un cadre comme Warhammer, Dragon Age ou autres. Et Ce Brave Titus, le scénario qui nous intéresse, même s'il contient quelques données plus liées aux principe même du multivers D&Desque.
Cependant, pour comprendre un peu mieux le genre d'histoire et d'ambiance que j'aime à écrire, il est nécessaire de poser quelques bases. Amis joueurs, attention, je vais évidemment faire acte de spoilers ici.
Low-fantasy et humanocentrisme
La plupart du temps, j'ai une préférence pour les univers humanocentrés. Un peu contradictoire avec Donjons&Dragons, me direz-vous... pas tellement. En réalité, et même si cela réduit un peu les options de jeu pour les joueurs, il ne s'agit pas d'éliminer toute créature fantastique mais plus de les réserver aux personnages non-joueurs.
Dans tous les cas, Ce Brave Titus est écrit de manière à se dérouler dans une cité où aucun non-humain ne vit. Cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas. Dehors, sur les terres du nord, les Orques vivent en clans barbares et effectuent des raids réguliers sur les terres humaines. Même si l'on n'en entend pas parler, elfes et nains, ou même halfelins peuvent tout à fait exister.
De même, vous pouvez décider de transformer certains PNJ en elfes, demi-elfes, nains, halfelins... ou même en des races plus exotiques (Dungeons&Dragons 5 en propose certaines, comme les Dragonborn). Cela changera cependant l'ambiance du scénario, augmentant son niveau de fantasy. Est-ce grave ? Absolument pas : ce scénario n'est qu'une trame globale et vous en faites ce que vous désirez. Je ne serai certainement pas derrière votre dos pour vous expliquer à quel point vous aviez tort dans vos choix.
Une problématique est bien plus importante dans ce scénario : le peu de magie présente au cours de l'aventure. C'est un fait, à l'instar de Pendant que le Loup y est pas, ou de la suite de Ce Brave Titus bientôt publié dans Casus Belli numéro #16 (un peu de pub ne fait pas de mal), la magie n'est pas omniprésente. Si dans le scénario du numéro #9, j'avais usé d'une astuce un peu grossière (rendre la magie dangereuse et instable), il était hors de question de récidiver ici. J'ai donc, simplement, limité les lanceurs de sort parmi les PNJ, au point de rendre tout personnage joueur lanceur de sort une véritable exception.
En tant que maître de jeu, je limite volontairement les lanceurs de sort à ma table. Ces scénarios sont testés à ma table habituelle et joués avec D&D5. Ce système a l'avantage de proposer le système des "sous-classes", qui permettent d'obtenir une grande diversité de personnages, même sans avoir accès à une foultitude de classes. Ainsi, quand je les fais jouer, je limite les classes "à sorts" accessibles au Warlock (pour son fonctionnement) et au Druide (pour des raisons d'univers personnel, mais j'y reviendrai peut-être plus tard). Au revoir les prêtres, les paladins, les bardes et autres. Le Rôdeur est le seul à rester, mais dans une version sans sorts, disponible sur le net.
D&D5 rend cela plus simple grâce à ses sous-classes mais aussi à ses backgrounds, qui permettraient presque de se passer de quasiment toutes les classes en dehors du guerrier et du roublard. Ce n'est pas le cas, mais je trouve cependant, et c'est très personnel, que ces scénarios fonctionnent mieux si tous les personnages n'ont pas accès à la magie.
Un scénario générique ?
Dire que ces scénarios sont générique serait mentir. Ils ne le sont pas et possèdent une ambiance propre, qui correspond avant tout à ce que j'apprécie d'écrire et de jouer. Quand j'écris un scénario, je vous propose de jouer dans le type d'intrigue et de construction narrative que j'aime mettre en scène.
Cependant, D&D et Pathfinder possèdent deux univers désormais iconiques, directement liés au jeu : les Royaumes Oubliés et Golarion. A mes yeux, ces deux univers sont insatisfaisants, concernant mes propres attentes en tous cas. Golarion est un univers patchwork, parfois plus steam-fantasy que médiéval fantastique où la magie fait office de technologie, et où l'on trouve un objet magique à chaque coin de rue. Les Royaumes Oubliés sont tout aussi fourre-tout, avec une longue histoire et ils ne conviennent pas non plus à ce que je cherche.
C'était donc un choix, un vrai, que de proposer quelque chose avec une personnalité un peu différente. Un scénario qui pourrait se fondre dans les grands univers classiques (dont Greyhawk, pour les vieux routards), tout en trouvant petit à petit sa propre personnalité. Au fil de ces scénarios (et, je l'espère, des suivants) commence donc à se dessiner un univers propre.
Vous pourriez tout à fait prendre se scénario et le jouer avec n'importe quel jeu OSR, ainsi qu bien d'autres (comme OpenQuest ou encore Brigandyne). Ce scénario étant destiné à des personnages de bas niveau, ces systèmes plus mortels ne détonneront pas.
Maîtriser Ce Brave Titus
Cette longue introduction aurait peut-être du faire l'objet d'un article à part, mais peut importe, nous y voilà : le cœur du sujet.
Ce Brave Titus n'est pas un scénario court. Il peut permettre aux personnages de prendre deux à trois niveaux si l'on décide de le jouer pleinement avec toutes ses options.
Introductions alternatives
Comme l'indique le scénario, il est tout à fait possible d'étendre l'introduction. Par manque de place, cette introduction alternative n'a pas été développée, mais elle peut être tout à fait intéressante à faire jouer et permettrait même à des personnages de commencer le scénario au niveau 1. Sachant que ce scénario sera sous peu doté d'une suite publiée dans les page de Casus Belli #16, cela devient encore plus logique : il devient alors le début d'une mini-campagne.
Comme dans toute bonne campagne, il est bon de lier les personnages à l'intrigue. Vous pouvez décider de les lier intimement à deux partis :
- Karst Vaughn, le mercenaire seul survivant de l'expédition dans les Mille Veines
- Aldour d'Hurlain, le commanditaire
Lier les personnages à Karst
Lier les personnages à Karst permet de rapidement les plonger dans l'intrigue. Le plus simple est de faire d'eux des membres de la petite compagnie de mercenaires dont Karst est à la tête. Ceci leur permettra rapidement de vivre le recrutement, de prendre part à l'expédition et de vivre avec Karst la perte de leurs amis. Dans ce cas, je me permets même de vous conseiller de leur faire vivre une petite aventure, le temps d'une partie, afin de les souder. Laissez-les faire connaissance avec les mercenaire, se lier à Karst et à son frère, et terminez la première séance par l'arrivée du fameux contrat.
Une fois la mission dans les Mille Veines effectuée et tous ces hommes morts, laissez le scénario se dérouler normalement. Karst disparaît, mais une fois Aldour évanoui dans les airs, c'est vers eux que son assistant Agralain se tournera pour obtenir des réponses. Et s'ils ne sont pas coopératifs, n'hésitez pas à faire entrer la garde en jeu. Avec cette option, ils se retrouveront contraints de retrouver Aldour, peut-être même engagés à terme (après qu'ils aient constaté la déchéance de leur ancien capitaine). Ceci étant, cette version de l'introduction a un désavantage : elle risque de faire en sorte que les joueurs et les personnages décident de se lancer dans tout cela à contre-coeur (et à raison) et ils pourraient ne pas être suffisamment attachés à Aldour pour le ramener en Sangrepierre.
Lier les personnages à Aldour
La seconde option est certainement la plus confortable : lier les personnages à Aldour. Aldour est un noble, membre de la famille d'Hurlain, d'une capitale voisine. Il n'est pas un héritier direct mais sa famille s'inquiète. Il est assez simple de faire des personnages des membres de la famille dépêchés afin d'aider et de soutenir Aldour. Un personnage ayant choisi un background de noble pourrait même être son frère, ou son neveu. En introduisant les personnages de la sorte, vous leur permettez d'avoir une véritable raison d'aider et de rechercher Aldour. Et vous pouvez les propulser aux côtés de Karst : confiez-leur la difficile tâche de recruter les mercenaires, de négocier avec Karst, puis de trouver l'entrée des Milles Veines et de les y accompagner.
Attention cependant : ne rendez pas Aldour antipathique. Aldour est un homme passionné qui n'a strictement aucune idée des dangers qui rôdent sous la cité. Ne le rendez pas condescendant ou insensible quand le retour se fera sans les mercenaires. Faites en sorte qu'il soit sincèrement désolé, voire qu'il propose d'augmenter la solde de Karst en compensation... ou tout autre acte montrant son regret d'être à l'origine de tout cela.
Vous aurez cependant un vrai problème : mettre en scène sa disparition. Dans ce cas de figure il vous faudra user d'une distraction.
Aldour ne désire en effet plus que quiconque soit blessé dans le cours de ses recherches, et c'est pour cela (et à cause d'une insatiable curiosité) qu'il décide de continuer tout seul et d'engager une personne pour lui permettre de s'introduire chez les Norval. Il fera donc en sorte que les personnages soient occupés à autre chose, voire qu'ils soient, l'espace d'un instant, hors de la ville. Cela est même l'option la plus avantageuse pour vous : ils pourront revenir, rentrer au manoir et découvrir l'absence du vieil homme. Ainsi, vous pourrez les rediriger sur le début du scénario.
Faire sortir les personnages n'est pas des plus complexes : un colis à récupérer dans les faubourgs, un objet à rechercher, une commande à honorer... n'hésitez pas à les envoyer à un jour ou deux de la ville, dans un avant poste. Mettez en scène un affrontement avec des barbares ou quelques pillards orques afin de les retarder. Faites-en une aventure en soi, mais n'oubliez pas de ne pas trop faire traîner.
L'Exploration des Mille Veines
Il s'agit typiquement de la partie la plus "Donjon" de ce scénario. Vous ne trouverez cependant pas de plan à proprement parler, parce que le but n'est pas de mettre en scène une longue exploration de ces galeries. Tout est, en réalité, une question d'ambiance.
Les Mille Veines accueille les sans le sou, les malades et les parias de la cité. En général, les ouvertures donnant sur le vide par lesquelles l'on peut accéder aux galeries sont habitées par les plus pauvres et les plus malades. Ils vivent dans des tentes de fortune, se protègent du froid comme ils le peuvent. Donnez l'impression à vous joueurs que leurs personnages traversent un véritable bidonville souterrain dans lequel on aurait enfermé tous les indésirables de la surface.
Un peu plus loin se trouve le bazar du Roi des Rats. Ce dernier gère, avec ses homme et son fidèle druide, Maliface, un véritable marché noir. Ce lieu peut être développé pour en faire une étape de l'aventure : la foule s'y presse, les hommes surveillent et il est difficile de s'enfoncer plus loin dans les galeries sans avoir à payer un péage possiblement exorbitant. Mettez-les en difficulté sans jamais rendre la tâche impossible. Et si les choses devaient dégénérer... n'oubliez pas la foule, prompte à paniquer si armes et sorts sont utilisés.
Reste alors les galeries. Le but de cette partie est de leur donner un avant goût de ce que son les Mille Veines et, si l'on compte jouer le scénario suivant, présent dans CB#16, de leur donner un avant goût de ce qu'il y retrouveront.
Ces dernières sont tout d'abord un mélange de galeries naturelles et d'anciennes galeries minières mal étayées, et parfois effondrées. Les personnages devraient traverser une petite dizaine de lieux avant d'arriver enfin au temple. Parmi ces derniers, on pourrait trouver :
- Une caverne remplie de cristaux légèrement luminescents.
- Un bassin naturel duquel émanent les couinement de centaines d'énormes rats blanchâtres, accompagnés de leur mère : un rat géant et prêt à tout pour protéger ses rejetons.
- Un ancien couloir de pierre sont les parois son constellées de crânes, apparemment une partie d'une ancienne nécropole.
- Un siphon naturel inondé dans lequel nagent d'étranges et minuscules créatures
- Une caverne dont les murs sont constellés de griffures, issues de choses dont les mains ont une taille humaine.
- Une salle contenant les squelettes d'anciens explorateurs, et peut-être leurs fantômes.
- Une faille donnant sur une abîme sans fond et coupant le chemin en deux.
- Un chemin se rétrécissant et ne laissant plus passer qu'une personne à la fois. Quelle créature pourrait bien attendre les aventuriers ?
- Un chemin au sol en pierre taillée et aux murs lisses : l'entrée d'un temple, peut-être même le temple de Pluton.
Une fois le temple découvert, en leur laissez pas le temps de trop s'attarder sur les détails : cette partie du temple servait clairement de nécropole, un pilier est en son centre, les murs sont parcourus n'immenses statues entourant celle de Pluton. Les murs sont gravés de textes sacrés en langage classique, apparemment des prières aux morts et si les personnages ne se trompent pas, ils peuvent extrapoler l'emplacement du pilier, à quelques maisons près.
Une fois ces constatations faites, lancez les Créatures du Dessous à leurs trousses. Rendez la poursuite tendue, tuez les mercenaires les uns après les autres, sauf Karst. Mettez en scène un ou deux morts héroïques afin de rendre leur mort plus tragique et intense, mais laissez les personnages retrouver la surface. Laissez les joueurs prendre des initiatives et rebondissez dessus, mettez les en difficulté. Donnez de l'intensité au tout !
Acte 1 - Rallonger l'investigation
Une fois l'introduction passée, que vous l'ayez étendue ou non, le premier acte lance les personnages au cœur d'une enquête qui va les mener vers un monde inconnu.
Le scénario, et cet acte en particulier, est construit de manière à ce que vous lui accordiez le temps que vous, ainsi que les joueurs, avez l'envie de lui accorder. Vous pouvez sans aucun problème aller droit au but et les mettre directement sur la piste d'Ernestine Brassevin, ou au contraire faire traîner un peu la chose afin de leur compliquer la tâche.
L'enquête va mener les personnages dans les bas fonds, jusqu'à une fumerie d'opium servant de plaque tournante pour la contrebande de la cité. En l'état, l'enquête est relativement simple, presque simpliste : elle n'est pas destinée à s'étaler et sert surtout à mener les personnages au cœur du manoir des Norval (mais pour cette partie, nous y reviendront plus tard).
La suite de ce scénario, disponible sous peu, va remettre les personnages au cœur des affaires des mêmes malandrins que lors de cette première partie. Ernestine, pour le moment un personnage secondaire, va prendre un immense importance. Il en va de même pour son concurrent, tout juste évoqué. Ainsi, si vous comptez jouer les deux scénarios à la suite, il n'est pas conseillé de laisser les choses dégénérer : Ernestine devrait être toujours en vie à la fin de "Ce Brave Titus". Si cela n'est pas le cas, il vous faudra alors ruser (et trouver un de ses lieutenants, voire peut-être sa fille cherchant à obtenir sa revanche).
Cependant, l'intrigue autour d'Ernestine et de sa fumerie peut parfaitement être étendue. Ernestine est une femme de poigne, sans pitié, et sachant parfaitement diriger ses hommes. C'est aussi une personne intelligente et ambitieuse. N'hésitez pas à mettre des bâtons dans les roues des personnages. Au lieu de les guider vers le Glaive Affamé, laissez-les tout d'abord patauger un peu, poser des questions.
En décidant de faire de la sorte, il faudra changer un peu l'ambiance globale du quartier du Précipice : les gens ont peur, n'osent pas parler... les gamins s'enfuient et les aubergistes ont mieux à faire quand on commence à leur parler de ce Karst. Tout le monde le sait, le mot est passé dans les rues : si quelqu'un s'intéressait à l'homme en question, alors il faudrait prévenir Ernestine et ses hommes. Une filature permettra de trouver l'une des personnes interrogées en train de balancer les personnages à l'un des hommes d'Ernestine et, rapidement, les PJ seront victime d'au moins une embuscade. Ernestine ne compte pas les laisser faire et elle a besoin de faire parler Karst, qu'il le veuille ou non.
S'ils tardent trop, si l'investigation prend trop de temps, il faudra alors retrouver Karst ailleurs. Karst ne veut pas parler, et ce malgré l'opium sensé le rendre plus docile. Il sera alors emmené dans un petit entrepôt clandestin : une maison en ruine dont la cave est utilisée pour entreposer des biens de contrebande. Là, Ernestine le fera interroger et torturer par l'un de ses hommes, jusqu'à ce que les personnages finissent par le retrouver. Et si les personnages cherchent Ernestine, posez-la en "parrain local" : il est difficile, voire impossible de l'atteindre. Si les personnages ont plusieurs lanceurs de sorts parmi eux, n'hésitez pas à lui rajouter un fidèle assistant : un magicien capable de la protéger de leurs assauts magiques.
L'important dans cette partie est :
- d'un côté, de laisser les joueurs prendre des décisions et aller à leur rythme (sans jamais les laisser s'embourber)
- de l'autre, de les guider petit à petit vers le manoir des Norval.
Une fois les plans d'Ernestine déjoués, il faut alors se mettre sur la piste d'Aldour. Encore une fois, cette partie est très libre mais les indications de Karst permettront de retrouver la trace du vieil homme. Ne faites pas trop traîner cette partie : il est important de donner la sensation qu'ils sont sur la piste finale de ce scénario. Si vous avez étendu l'introduction et l'enquête pour Karst, cela devient crucial.
Ce scénario possède deux passages obligés, et c'est le premier d'entre eux. Il s'agit d'un goulet d'étranglement et sans ce passage obligé, le scénario n'aura pas de suite. Il va donc falloir amener les joueurs dans le patio de la maison des Norval.
Le principe est donc de répartir les indices de manière à rendre les personnages curieux de ce qu'Aldour recherchait. Il est nécessaire de titiller la curiosité des joueurs pour qu'ils pensent que quelque chose d'important se cache dans ce patio. Normalement, la présence d'une lourde garde autour, ainsi que le journal du patriarche de la famille devrait les inciter à aller ne serait-ce que jeter un oeil, mais cela n'est parfois pas suffisant.
Durant les parties test, un groupe n'a pas eu besoin de plus d'incitation, mais un second a fouillé toute la maison sans pour autant s'y intéresser avant d'y être redirigés. Il existe cependant bien des moyens de les remettre sur la piste : augmenter le journal du patriarche en y rajoutant la mention d'un possible cadavre dans le patio, faire en sorte que les Norval entendent parler de l'enquête des PJ et les convoquent, ou encore utiliser les notes d'Aldour. Il ne faut ainsi pas négliger le fait qu'Aldour est un érudit qui consigne tout ce qu'il entreprend, ou presque. Et les personnages seront certainement tentés d'aller fouiller dans ses papiers. Une fouille qui prendra évidemment du temps : son organisation est chaotique et il faut être lui pour s'y retrouver dans ses notes. S'il n'a pas consigné son intrusion chez les Norvals, il peut cependant avoir évoqué leur manoir et la possibilité qu'il s'agisse d'une bâtisse construite au dessus du temple de Pluton. Il pourrait même avoir supputé que le patio contient en réalité un passage caché vers l'ancien temple et, si cela n'est pas assez... pourquoi ne pas parler de rituels de sang pratiqué dans l'ancien empire où l'on y sacrifiait des victimes au dieu de la mort. Rajoutez à cela l'histoire des Norvals... Faites-en la première famille à avoir construit sur le plateau, parlez de ce patio, connu de tous les gens de la haute société et ayant la particularité de contenir un autel cylindrique dédiés aux esprits protecteurs de la maison, mais dont certains pensent qu'il serait bien plus ancien que l'établissement de Sangrepierre... Cela pourrait bien instiller l'idée que les Norval pourraient être en réalité les adorateurs d'un dieu disparu exécutant pour lui des sacrifices rituels.
Comment le portail s'ouvre-t-il ?
Certains joueurs sont d'insatiables curieux et cherchent toujours à expliquer le pourquoi du comment. L'explication n'a pas été développée mais la magie a cela de génial qu'elle ne devrait, normalement, pas nécessité d'explication rationnelle. Mais on le sait, dans les univers de fantasy, la magie est souvent aussi considéré comme une sorte de science et bien des joueurs n'aiment pas le fameux adage : ta gueule, c'est magique !
Comme le scénario l'explique, le rituel qui a projeté Lapisanguis sans un demi-plan en stase était à la fois divin et profane. Il utilisait la puissance d'un artefact divin et des composantes profanes afin de cacher la cité au yeux de ses futurs assaillants.
L'artefact appartenait donc à Pluton, dieu des morts et gardien du monde souterrain. Le rituel s'étant focalisé sur le temple (dont le pilier restant est le dernier vestige en surface), et le pilier servant à l'époque à accueillir l'Artefact, le sang d'un mort projeté sur cet "aimant magique" (tiens, encore une manière d'amener un personnage magicien à pousser ses amis à explorer le patio) a simplement réactivé une partie du rituel et rouvert la porte. Une fois les intrus disparus et avalés par le sang, les gens de la maison ont préféré fermer le patio et ne plus y toucher. Mais le sang est toujours une clé, et tant qu'il n'aura pas séché, tout être vivant le touchant sera transféré en Lapisanguis.
Acte 2&3 - Lapisanguis
Les deux actes suivants n'en forment qu'un. Ce découpage permettait simplement de poser la situation dans un premier temps et de lancer l'intrigue dans un second temps.
Toute cette partie est extrêmement libre. Le seul conseil que je pourrais réellement donner est de s'approprier les PNJ, leurs relations et leurs intrigues personnelles afin de pouvoir jouer tout cela de manière fluide et logique. Cependant, il est nécessaire pour que ces actes fonctionnent, que le personnage de Lucius reste, tout du moins pour les deux tiers de cette partie de l'intrigue, insoupçonné.
Soyez donc prudents : ne le rendez pas antipathique, laissez-le aider les personnages sans jamais trop prendre les devants, n'essayez pas de le rendre sympathique à tous prix (sans quoi il commencerait à devenir suspect aux yeux de bien des joueurs). Mais ne laissez aucune opportunité aux personnages de deviner ses intentions. Qu'il paraisse sincère à tous moments, surtout quand il prétend réussir à faire que Titus et Tamora fassent la paix. Alors que l'intrigue avance, il fera tout pour recentrer les personnages sur cette rivalité, n'hésitant pas à instiller le doute sur Titus si cela est nécessaire, ou sur Tamora si les personnages la soupçonnent.
Aldour est soigné chez lui et il compte prendre soin de lui jusqu'à ce qu'il comprenne comment retourner dans le vrai monde et reconquérir ce qu'il pense lui revenir de droit. Qu'il laisse les personnages le visiter en secret, à moins que ces dernier ne se montrent agressifs. Que cela soit perçu comme un geste de bonne foi : il l'a secouru, libéré, et fait en sorte de le sortir des griffes de Titus.
Cependant, n'oubliez pas de mettre la pression sur les personnages : ils doivent sentir qu'ils sont pris dans une cité sur le point de mourir. Elle vit sur ses réserves, les sources d'eau sont taries, et la nourriture viendra à manquer rapidement. Cependant, les gens croient en Pluton et ils n'hésitent pas à se rendre en masse en son temple pour y faire des sacrifice des quelques animaux qu'il leur reste afin qu'ils retrouvent leur monde.
Plus l'intrigue avance, plus les choses devraient sembler se dégrader : des gens commencent à se battre pour al nourriture, battent un homme à mort pour lui voler une poule, mettent à sac une maison patricienne pour y récupérer du vin... Tout doit presser les personnages et il ne faut pas hésiter à les jeter au coeur d'une émeute : un moyen bien utile de les distraire et de couvrir les actions de Lucius si besoin est.
Au milieu de tout cela, n'oubliez jamais le monte-en-l'air qui est arrivé en ville avec Aldour, mais qui s'est échappé : c'est votre joker et si les PJ en ont besoin, il pourrait bien les retrouver et les aider, surtout si rien ne justifie qu'ils puissent obtenir de l'aide pour le final de ces deux actes.
Ce final, parlons-en un peu. Il s'agit du second goulet d'étranglement du scénario. Afin qu'il fonctionne au mieux, il faut se rappeler qu'une fois que Lucius a découvert, via son érudit, Sagatio, le moyen de rouvrir le portail, il n'aura que faire des faux semblants. Tamora arrêtée ou morte, Titus désavoué ou tué, il prend le contrôle de la cité. Il va sans dire que les personnages seront rapidement considérés comme des dangers, d'autant qu'il compte utiliser le sang d'Aldour. Mis hors la loi, il leur faudra trouver comment interrompre la cérémonie.
L'idée de la charrette peut paraître sortir de nulle part, mais c'est en réalité le seul moyen de passer le seuil du temple sans être reconnu et arrêté. Qu'il s'agisse de Lavinia ou de notre joker, il devrait le faire comprendre aux personnages : en se faisant passer pour une charrette de ravitaillement, ils pourront rejoindre le temple et les légions. Il faudra alors sauver Aldour, passer le portail...
Cette scène est là pour lancer l'action. Qu'elle soit rapide, mortelle, mais pas impossible : il y a des chances qu'ils prennent Lucius au dépourvu. Pour la rendre plus tragique et augmenter l'urgence, n'hésitez pas à blesser Aldour : il faudra aller vite pour le sauver !
En bref, que ce final soit intense, mais la course poursuite qui le suit sera assez longue pour que l'on décide d'éviter de le faire traîner en longueur.
La poursuite finale n'est pas complexe à menée et vous avez déjà tous les outils pour ce faire. Dans tous les cas, la conclusion de ce scénario devrait laisser un goût amère aux personnages. D'autant qu'il y a une suite et que Lapisanguis n'a pas dit son dernier mot.
Mais pour cela, rendez-vous dans Casus Belli #16.
Commentaires 5
le 22/01/2016 à 08h29
Bravo! Continuez!
le 14/01/2016 à 17h11
le 12/01/2016 à 15h44
J'avais déjà plus ou moins compris que tu étais plutôt habitué des univers Low-Fantasy, et je comprend un peu mieux maintenant.
le 12/01/2016 à 14h33
le 12/01/2016 à 13h59
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