Discussion sur le Moyen Age (1300-1500) 183
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Je n'ai pas lu Michelet dans le texte mais il me semble que c'est lui qui avait dit un truc du genre "J'ai trop bu le sang noir des morts" et ça c'est stylé.
Note : celui qui fera un photomontage de Mola Ram avec la tête de Michelet aura tout mon respect.
Pour un ouvrage récent de "débunkage" historique, voir la biographie de Jeanne d'Arc par Valérie Toureille sortie en Septembre 2020 chez Perrin. L'historienne est partie d'archives régionales notamment ce qui est une nouveauté il me semble.
Interview de l'autrice sur Storia Voce
Je suis historien de formation et prof d'histoire-géo. Je trouvais juste étonnant le débat plus haut. Je trouve problématique de lire Michelet sans réflexion historiographique et épistémologique aujourd'hui. Pas qu'il ne faut pas le lire. Mais se documenter sur le Moyen-Age à partir de Michelet en 2021 en tant qu'historien je trouve ça problématique. Après chacun fait ce qu'il veut, mais il y a une forte tendance en haut du ministère à remettre en avant le roman national du XIXe dans l'histoire "officielle" (entendre enseignée aux enfants/adolescents) et ça me pique un peu. Après l'histoire romantique d'un Michelet est géniale à lire pour du jdr, parce qu'il écrit super bien. Mais pour quelqu'un qui veut se documenter plus sérieusement, cela fait plus sens de lire Duby pour un point de vue "généraliste" ou Perroy sur la guerre de cent ans. Encore une fois, pour du jdr, on s'en fout un peu hein. Si Jeanne d'Arc est un dragon on peut bien se faire plaisir sur une vision romancée et pseudo-historique de l'histoire.
- Griffesapin
vision romancée et pseudo-historique de l'histoire.
Thibor
L'expression est étonnante. Quand bien même les exigences mathématiques ont bien évolué depuis Al-Khwarizmi, je me garderais bien de dire que ce qu'il a écrit serait une vision pseudo-mathématique des mathématiques. D'une part, ce serait un jugement tout à fait anachronique (le signifié de "mathématique" à son époque n'est pas celui de "mathématique" aujourd'hui), d'autre part ce serait méconnaître le fait qu'il a constitué une brique non dispensable dans la constitution des mathématiques contemporaines. Vraiment, pourquoi un tel mépris pour le travail d'un collègue d'il y a plus d'un siècle, sous prétexte qu'il a travaillé dans un monde différent du tien ? Mais alors, comment les historiens dans deux siècles jugeront ce qui te semble aujourd'hui vision non-pseudo-historique de l'histoire ?
Mais se documenter sur le Moyen-Age à partir de Michelet en 2021 en tant qu'historien je trouve ça problématique.
je suis entièrement d'accord avec toi sauf que ce fil est un fil de JDR pas d'historiens (Dieu m'en préserve ) et donc je ne vois pas pourquoi cela fait 2 pages que l'on fait de l'historiographie suite à une news très sympa sur une sortie à petit prix d'un livre qui traite sous un certain angle de la période au coeur de ce JDR .
La vision de l'Histoire a toujours été politique et c'est bien là le problème. Dernier phénomène en date qui concerne non pas le Moyen Âge mais l'Antiquité, apparu dans certaines universités américaines : des spécialistes de l'Antiquité qui veulent remettre en question l'étude des langues anciennes "classiques" ( Latin, Grec ) et de l'Histoire gréco-romaine. Cette dernière étant considérée comme la source de tous les maux historiques, racisme, fascisme, nazisme mais aussi l'esclavage et faisant l'apologie de la prétendue "suprémacie blanche" ( j'ai mis les guillemets, pas taper svp ).
Selon ces universitaires, pourtant eux-mêmes des spécialites dans l'Histoire Ancienne, il faut totalement laisser de côté l'étude de la civilisation gréco-romaine ( fermer les départements qui les étudient, limite brûler tous les livres qui en parle pour les ré-écrire moins "blanchisés" ) pour se consacrer prioritairement à des civilisations "plus importantes" et "volontairement laissées de côtés" par des historiens consciemment ou inconsciemment "suprémacistes". Et tant pis si cette civilisation gréco-romaine est la base de la mise en place de la civilisation européenne jusqu'à nos jours. Des projets des différents souverains européens rêvant de rétablir un empire (Charlemagne, Napoléon... ) qui s'inspirent de l'Empire romain, à la Révolution française et sa République inspirée elle aussi de Rome...
Un mouvement encore minoritaire parmis les historiens américains mais qui illustre bien le problème de la politisation de l'Histoire, surtout en cette période de "cancel culture"...
Mais bon, je suis quand même un peu (beaucoup) hors sujet alors je vais arréter là.
- berolson
- et
- Griffesapin
La petite source quand même : https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/non-l-antiquite-n-etait-pas-raciste-20210311
[il n'y a pas qu'aux US: tes enfants ont de fortes chances d'étudier la citée d'Ur au collège... bien plus qu'Athènes ]
Question pour tenter de ramener le sujet vers le JDR:
Comment faites vous lorsque vous maitrisez du JOA pour plonger vos joueurs dans un monde médiéval plus que fantasy par rapport aux fois où vous maitrisez de l’héroïque fantasy style H&D/COF/DD5 et consort ?
Comment rendez vous cette différence en jeu ? outre le fait qu’il n’y ait pas de gobelins
[il n'y a pas qu'aux US: tes enfants ont de fortes chances d'étudier la citée d'Ur au collège... bien plus qu'Athènes ]
Griffesapin
Pas du tout, les deux sont au programme de la classe de 6 ème ( la première dans un chapitre sur l'apparitions des écritures et la deuxième dans un chapitre dédié )
- Griffesapin
ouf me voilà rassuré.
et sinon :
Comment faites vous lorsque vous maitrisez du JOA pour plonger vos joueurs dans un monde médiéval plus que fantasy par rapport aux fois où vous maitrisez de l’héroïque fantasy style H&D/COF/DD5 et consort ?
Comment rendez vous cette différence en jeu ? outre le fait qu’il n’y ait pas de gobelins
- Plateo
Ca va peut être paraître un peu bête, mais un des aspects qui a "impressionné" mes joueurs lorsque j'ai fait jouer à JoA c'est le rapport aux territoires et aux voyages.
J'ai fortement mis en avant le fait que voyager même sur de faibles distances représente un gros coût financier pour les pauvres avec les multiples péages sur les chemins, sur les bacs, à l'entrée et à la sortie des villes, les auberges,etc ... Ca les a beaucoup marqué.
Globalement, j'essaie aussi de mettre en avant le fait que si les gens voyagaient à l'époque, il y avait davantage de contraintes sans même prendre en compte le transport et son coût. Je pense par exemple aux PJ issus des classes laborieuses qui, par défaut, n'ont le droit de travailler que sur un territoire donné (la terre de leur seigneur à moins que celui-ci ne leur accorde une dérogation) ; ce PJ ne peut donc s'absenter durablement de son territoire d'origine. Je met aussi en avant l'existence des corporations et de tous ces réglements qui font que non, un personnage ne peut pas forcément s'improviser aventurier/boulanger/religieux du jour au lendemain car il existe des règles qui ouvrent ou bloquent l'accès à ces métiers.
Je ne suis pas historien donc je ne saurais dire si c'est 100% réaliste, en tous cas ça fait son effet à table
Par romancée et pseudo-historique je ne visais pas spécifiquement Michelet, je viens de me relire et je me suis mal exprimé. Je voulais dire que pour jouer à un jdr pseudo-medieval on avait justement pas besoin d'une source forcément parfaite. Quand je maitrises à Dark Ages je m'en fiches un peu du réalisme historique. Et comme joueur je ferme les yeux sur toutes les incohérences historiques, je viens pour jouer par pour suivre une conférence.
C'était de mettre au même niveau l'historiographie actuelle avec les textes de Michelet qui m'avait fait réagir. Pour le reste, du moment qu'on s'éclate à la table (virtuelle, n'oubliez pas les gestes barrières !).
La petite source quand même : https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/non-l-antiquite-n-etait-pas-raciste-20210311
berolson
Merci pour l’article. Je trouve cela... terrifiant.
- Helicon38
Cette cancel culture est terrifiante voire autodestructrice. Le fait de supprimer l’enseignement d’un sujet n’entraîne pas forcément la mise en avant d’autres sujets jugés aujourd'hui acceptables. Bref.
Pour en revenir au sujet pour améliorer l’immersion :
insister sur l’absence de nation au sens moderne
Voyage effectivement avec les péages
Parler aussi des couleurs qui sont partout particulièrement pour les lieux de culte. Les statues des cathédrales sont toutes peintes de couleurs vives. Pas de gargouilles pour les cathédrales non plus
Les gens sont propres (vêtements et peau) avec parfois des vêtements colorés mais les rues sales
Pour manger, écuelle et couteau avec les mains, pas de fourchette ni serviette.
- NooB294044
J’ai tendance à surévaluer la présence de la forêt pour accentuer l’idée de différence par rapport à nos paysages… ce qui est faux statistiquement parlant je le sais bien.
J’utilise beaucoup la religion comme marqueur géo (église, oratoire), temporel avec les cloches qui rythment la journée et les fêtes religieuses qui rythment l’année.
L’importance de la foi et du clergé… avec je l’avoue les clichés du « bon » curé et du « mauvais ».
J’ai pris ce parti pris parce que notre époque étant laïque, ca les change et en générale en méd c’est du polythéisme donc le monothéisme ils ne sont pas habitués… et avoir la foi non plus
Un autre truc que j'essaie de mettre en avant mais que j'ai du mal à gérer : la subdivision administrative du territoire.
C'est un sujet qui est un peu mis en avant dans le supplément le Doyenné de Robert Empagne. Je veux parler du fait que des territoires proches ne relèvent pas forcément de la même juridiction.
- Il y a les territoires appartenant à un seigneur noble.
- Juste à côté, un village qui appartient à l'évéché.
- Un peu plus loin, une ville franche qui se gouverne toute seule
- Un peu plus loin, de nouveau un village qui appartient au seigneur noble précédent.
C'est un vrai cirque pour réussir à se représenter cette subdivision et c'est l'occasion de faire des séquences RP marrantes puisqu'évidemment, les lois changent en fonction de la subdivision administrative dans laquelle on se trouve.
De mon côté, je ne joue pas dans la région du Doyenné, mais dans un setting "custom" dans Nantes et sa région. Cela permet d'impliquer la Bretagne, qui pendant la guerre de cent-ans papillonne entre la France et l'Angleterre, et bien sûr de faire des scénarios en mode méga-stéréotype impliquant Gilles de Rais.
J'ai acheté le fameux premier volume de la collection Histoire de France par Jules Michelet en grande surface (Auchan V2), ils en avaient un énorme stock (ça doit mieux se vendre que les aventures de Drizzt ), et même si je n'ai pas commencé à le lire je peux vous donner ma première impression sur le packaging : format un peu plus grand que le poche, couverture cartonnée de bonne qualité, papier intérieur très cheap, et "illustré" est un bien grand mot (quelques peintures couleurs regroupées au centre du livre, point final). Vu que Michelet est sans doute libre de droits depuis longtemps, disons que ça vaut ce que ça coûte : 3,99€.
En tout cas, j'ai bien apprécié tous vos avis, étant totalement néophyte sur le sujet, ça remet effectivement les choses en perspective. Je le lirai sans doute un peu plus comme un roman que comme un dictionnaire
- Federico67
On sait quels sont les prochains volumes ? (Jeanne d'Arc, je passe, mais peut-être que les autres pourraient titiller mon intérêt - je le(s) lirai comme du Alexandre Dumas, mais avec du style, semble-t-il... )
- Nioux
Comment faites vous lorsque vous maitrisez du JOA pour plonger vos joueurs dans un monde médiéval plus que fantasy ?
Comment rendez vous cette différence en jeu ? outre le fait qu’il n’y ait pas de gobelins
Griffesapin
Pour commencer, je fais la même chose que dans un univers fantasy : du namedropping. L'Abbaye de la Chaise-Dieu ou la seigneurie de Saint-Chamond ça change de la Côte des Epées, de Padhiver ou de la Porte de Baldur. Idem avec les prénoms.
Un peu comme Plateo, je met en avant les métiers traditionnels et l'organisation de la société du Moyen-Âge qui sont souvent occultés par la fantasy. Ca peut passer par une rapide description lors de l'arrivée dans un hameau ou une foire. Il faut le faire par petite touche, juste pour donner une impression diffuse, sans partir dans une conférence d'historien. Un peu comme une scène d'introduction au cinéma : "vous voyez des croquants en gueunilles s'affairer dans la boue, un gamin crotté en train de voler un pomme à un marchand avant de s'enfuir en courant, une vieille ribaude toute vérolée aguichant les badauds,..."
Comme l'a dit aussi Plateo, le côté très "micro-économie et gestion de budget" est important surtout pendant ces périodes de crise du XIV-XVe (peste, famine, pillages entrainant un recule de l'économie...). Il faut mettre les joueurs dans la galère, les obliger à faire des choix et des sacrifices sans être non plus chiant, c'est pas "Medieval Hobo Simulation".
J'essaie d'introduire par petites touches dans les dialogues ou les descriptions un champ lexical "qui fait moyen- âge" sans tomber dans les termes trop anciens ou inusités. On parlera plus volontiers de "besogne" que de travail, d'un "palefroi" ou d'un "destrier" que d'un cheval, d'un "vilain" ou d'un "croquant" plutôt qu'un paysan, un "malandrin" plutôt qu'un voleur, faire "ripaille" plutôt que faire la fête, "occir" plutôt que "tuer", ect...
Les insultes et autres interjections à connotation scatologique doivent aussi servir : puterelle !, boursemolle !, va-cul-nu! , vermine !, foutre !, merde-à-cul !, diantre !...
On décrira rapidement quelques objets alentours : une houe, un bliaud, un gonfanon, un écritoire, un manuscrit, un reliquaire, un livre d'heures, un chaudron, un bahut, ect...
Pour se faire un vocabulaire de base et savoir quand l'utiliser à bon escient, ma référence est la série de romans de Serge Brussolo qui apportent juste ce qu'il faut pour se croire au Moyen-Age sans non plus passer son temps vers des renvois de page ou un dictionnaire de vieux français :
- Le Château des poisons
- L'Armure de vengeance
- La Fille de l'archer
- Le Suaire écarlate
- Pèlerins des ténèbres
- La Captive de l'hiver
En plus le côté très noir de Brussolo colle très bien à l'ambiance de JoA et même au système de jeu avec toute une galerie de personnages aux aspirations variées (foi, superstition, pragmatisme).
A l'inverse j'ai trouvé qu'un Pierre Naudin en faisait trop avec ses romans à vocation historique : des tournures de phrase alambiquées et des mots écrits dans leur version du moyen français, de l'occitan et du francoprovençal du XIV-XVe... C'est intéressant pour les passionnés mais ça peut être rébarbatif pour des joueurs lambda.
Autre aspect important je pense, c'est retranscrire les mentalités de l'époque (telles qu'on se les imagine) et qui peuvent paraitre très étranges aujourd'hui : tout évènement est sujet à une interprétation religieuse ou superstitieuse suivi de moult rituels de protection (signe de croix, prière, toucher du bois, gris-gris façon cornes ou pattes d'animaux), le corps est le reflet de l'âme, il faut régulièrement "faire acte de repentence", la médecine est basée sur les "humeurs", la nature est vue comme dangereuse et envahissante, on cherche à la dompter et à la repousser, la vie est rythmée par les saisons, le calendrier agricole et les heures de prières... et par le besoin impérieux de faire la fête à l'excés au milieu des morts et de la misère, l'omniprésence du clergé (messes, confessions, baptêmes, pélerinages, extrême-onction, accusation de fornication, d'héresie,...), les seigneuries et capitaineries administrant une justice et des impôts souvent fluctuant et limités géographiquement (surtout pendant cette période troublée) et où l'on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé selon l'humeur et le bon vouloir du seigneur local.