Une menace invisible - Retranscription romanesque des aventures de mes joueurs 2
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Bonsoir tout le monde !
Ayant eu un peu de temps, j'ai commencé à retranscrire de mémoire le début de campagne de mes joueurs, qui se passe en Alarian. Je l'ai fait à la manière d'un roman pour voir ce que ça donnait, et visiblement ça leur plaît bien, je me propose donc de vous le partager également.
L'histoire retranscrite équivaut à deux séances de 3h chacune, faites via discord. La suite viendra progressivement avec le temps et la motivation. Les joueurs n'avancent pas aussi vite que prévu (comme souvent en jdr^^) et on dû faire 5 ou 6 séances.
J'ai retranscris ce qu'ils ont vécu, en omettant volontairement de nombreux détails dont ils (ou seulement certains) n'avaient pas connaissance, pour essayer de donner un aperçu au plus proche de ce qu'ils s'est passé et ont vécu.
En espérant que cela vous plaise également, voici donc le début de leur histoire.
Chapitre 1 : La rencontre
Notre aventure commence dans la petite ville de Brüm, au Sud-Est d’Alarian, dans la région du Gramlin. La ville borde les 7 Pics, et les Monts Saphirs au-delà desquels s’étends les territoires Elfes, dont les frontières sont hautement gardées. L’endroit est à flanc de montagne, le climat y est doux, quoique parfois venteux, et les habitants, bien qu’un peu rude, ont une attitude fière. Ces derniers vivent essentiellement des carrières de roches, qui tantôt pourpre, tantôt nacre, sont prisé pour leur dureté permettant des constructions solides. Quelques bois alentours leur permettent de s’approvisionner en charbon et en petits gibiers. Le reste des biens nécessaires à la ville sont importés depuis Alaëhn, ville portuaire situé un peu plus à l’Ouest, et à une journée de marche de distance.
C’est donc dans cette charmante bourgade, et plus précisément dans la taverne ‘’La Poule au pot’’ que notre regard se porte. Deux personnages, vêtus de manières différentes, font leur apparition. Ils sont accueillis par l’aubergiste, qui leur propose de prendre place, et de leur apporter de quoi se désaltérer et grignoter un peu. Gareth, un Nain fort costaud, un marteau finement forgé dans la main, prend siège en commandant deux chopes plutôt qu’une, car le voyage lui a asséché le palais. Sa compagne, Aven, est une jeune femme au regard perçant, presque envoutant, et qui semble se déplacer de façon très discrète. Elle s’assoie également, et tout deux profitent de ce cadre agréable.
- Je suis sûr qu’Omélia va trainer, on va encore devoir l’attendre des plombes ! déclara Gareth avant d’entamer sa deuxième bière.
- Nous verrons bien, lui répondit sobrement Aven, qui effleura des lèvres le liquide mousseux de son verre, avant de le reposer rapidement.
Et alors que coulait dans sa gorge le breuvage ambré de sa deuxième chope, Gareth reçu une violente claque dans le dos, le faisant avaler de travers. Toussant, crachant, sa longue barbe grise tressée couverte de mousse, il se mit à vociférer des injures.
- Quel est le fils de Troll qui vient de gâcher ma bière ?
- Bonjour Alden, dit sobrement Aven. C’est une bonne surprise de te voir ici !
- Alden ? Tu parles d’une surprise ! Sale fripouille, tu ne pouvais pas t’empêcher de me refaire cette blague, hein ?
Gareth vit alors son ami le contourner et s’asseoir à côté de lui, un sourire taquin se dessinant sur ses lèvres. Il fit signe à l’aubergiste d’apporter de nouveau à boire avant de déclarer.
- Excuse-moi, Gareth ! J’ai cru que tu recommençais à t’étouffer, n’entendant plus ta voix résonner au-delà de l’auberge.
- C’est vrai qu’il parle fort !
- Oh ça va, tu ne vas pas t’y mettre, Aven ! Et toi, Alden, j’aimerais que tu arrêtes de parler de cette histoire. Ce n’était qu’un petit bout de bretzel, et j’aurais très bien pu me débrouiller seul.
- Bien entendu, mon ami ! Il est vrai que ta technique consistant à devenir rouge comme un coquelicot, en gesticulant à tout va semblait très efficace !
Gareth se renfrogna, saisit d’un geste brusque la bière que lui apportait son hôte, qu’il vida d’une traite, avant d’entamer celle d’Aven, qui ne semblait guère goûter aux joies de l’alcool. Alden, tout sourire, et entamant leur saucisson, leur demanda :
- Après ces retrouvailles, sommes toutes, très chaleureuses, dites-moi, que diable faites-vous donc dans ce coin perdu ?
…
Pendant ce temps, la caravane d’un négociant arrivait en ville. Son propriétaire, un homme qui semblait posséder une petite fortune, parlait fort, donnant des ordres à travers l’habitacle à une enfant, quinze ans tout au plus, qui l’accompagnait et semblait servir toutes ses demandes. Un demi-orc l’escortait, marchant à côté. D’une grande taille et d’une musculature impressionnante, il ne disait mot, scrutant les allées et les badauds qui croisaient leur chemin. Lorsqu’ils passèrent les portes de la ville, la caravane fit halte, et en sortit un Halfelin. Il tenait un luth dans sa main gauche, était bien vêtu et semblait irrité. Alors qu’il sautait à terre, Vidok, le négociant, le salua, arguant avoir apprécié la compagnie de l’Halfelin, et de ne pas hésiter à venir lui rendre visite en cas de besoin. Le Barde se retourna, son visage souriant, et remercia l’homme d’avoir accepté sa présence durant le voyage. Puis, il tourna les talons, cherchant un endroit où passer la nuit, qui tardait à tomber. Il erra de longues minutes à errer dans les rues, profitant de la brise fraiche, et ne se sentant pas d’engager la conversation avec quiconque, le voyage ayant été assommant, tant l’attitude et les discours de ce Vidok avaient été exécrable. Il finit par tomber sur une bâtisse aux pierres blanches, décorée de quelques briques violines, et dont l’intitulé ne laissait aucun doute : « La Poule au pot ».
…
Malgré sa barbe qui lui collait la peau, Gareth était heureux de revoir Alden, et en avait profité pour faire servir quelques bières de plus, ainsi qu’une grosse poule bien cuite que ses compagnons et lui se partageait, en riant.
- Alors comme ça, tu es ici pour faire des études, hein ? Toujours le nez dans tes bouquins, toi. Et t’avais besoin de venir jusqu’ici pour tes recherches ?
Alden esquiva la question en s’adressant à ses deux compagnons.
- Et donc vous êtes là à cause de simples rumeurs ? Vous aimez les voyages, dites-moi !
- Même si ce ne sont que des rumeurs, il semble se tramer des évènements louches dans la région, et quoi de mieux que de commencer par ici ! lui répondit Aven.
Leur conversation allait bon train, chacun racontant ce qu’il avait fait ces derniers jours, des rencontres, des bagarres, des enjeux familiaux ou encore quelle créature ils avaient rencontré.
La porte de l’auberge s’ouvrit, et un Halfelin entra. Il scruta la salle, vit que plusieurs tables étaient prises, s’avança au comptoir et pris place sur un tabouret. Il salua l’aubergiste et commanda une boisson ainsi que de quoi remplir son estomac.
- Oh vous êtes un Barde ? lui demanda l’aubergiste
- En effet. Et puisque vous entamez le sujet, j’ai entendu dire qu’une troupe d’artistes avaient été aperçu par ici.
- Hum… Il parait qu’un cirque prenait place un peu plus bas, en dehors de la ville, non loin des carrières. Vous trouverez surement ce qu’il vous faut là-bas.
- Je l’espère, murmura l’Halfelin en empoignant son verre.
Il sortit un bout de papier qu’il scruta intensément, sur lequel était griffonné à la va-vite un appel à l’aide et une mise en garde, signé de la main d’un de ses anciens compagnons. Il se perdit alors dans ses pensées, avalant doucement son repas, tandis que dans la salle résonnait le rire grave du Nain. Les autres clients quittèrent progressivement l’établissement alors que le soleil déclinait derrière les montagnes. Le Barde, son assiette terminée, paya son diner, demanda une chambre pour la nuit et se leva, pour accompagner l’aubergiste. Il observa la dernière table encore occupée. Un Nain semblait être en forme, encore une chope à la main, et animait de ses éclats de rire la conversation auprès de deux humains, un homme et une femme. Il croisa le regard de l’homme, fronça les sourcils, puis ouvrit grands les yeux dans un élan de surprise. En face, l’homme sembla réagir de la même façon.
- Mirma ? C’est toi ?
Alden se leva, certain de reconnaitre son ami qui l’avait tiré il y a peu d’une mauvaise situation.
- Si je m’attendais à te croiser ici. Alden, comment vas-tu ?
- C’est une étrange coïncidence.
- Comment ça ?
- Il n’y a pas longtemps que je suis dans cette ville. Pour tout dire, je suis arrivé dans la journée, et les deux personnes derrière moi sont des amis, qui viennent également de faire la route jusqu’ici. Cela ne fait pas longtemps que nous nous sommes retrouvés. Et je te trouve ici, dans cette même auberge.
- En effet, c’est un amusant concours de circonstance
- Joins-toi à nous, je vais te présenter !
L’Halfelin suivit Alden jusqu’à sa table, qu’il présenta à ses compagnons.
- Mes amis, je vous présente Mirma ! C’est un ami qui m’a tiré d’une situation délicate il y a quelques temps.
Le Nain fit un signe de tête en guise de salutation tandis qu’Aven lui fit un timide sourire. Gareth posa sa chope, s’essuya la bouche d’un revers de main, et se présenta.
- Enchanté Mirma ! Je m’appelle Gareth, et voici Aven. Elle est un peu timide, mais charmante en tout point. Assieds-toi donc, nous allions justement reprendre de quoi se rafraichir !
Mirma vit Aven lever les yeux au ciel. Il s’assit à côté d’elle tandis qu’Alden prenait place en face. Une fois tout le monde assis, et servit à boire, Gareth reprit :
- Alors comme ça, tu es un ami d’Alden ? Par les Dieux, c’est vraiment étrange de se retrouver tous au même endroit, qui plus est, au bout du pays. Mais surtout, parle-moi donc de la façon dont tu as aidé ce bougre. Je suis certain que c’était épique. Et ne sois pas avare de détails !
Gareth souriait à pleines dents, heureux de trouver une occasion de rendre monnaie à son compagnon qui goûtait un peu trop la même blague. Aven sourit discrètement, comprenant les intentions du Nain. Alden, quant à lui, tentait d’un signe de tête de faire comprendre à l’Halfelin qu’il lui serait reconnaissant de ne pas évoquer cette histoire.
Mirma, las de cette journée mais néanmoins heureux d’avoir trouvé un peu de compagnie lui permettant d’oublier un temps ses soucis, commença son histoire. Mais il se tut rapidement, percevant du bruit à venant de l’extérieur et redonnant à Alden un regain d’espoir. Il tendit l’oreille, certain d’avoir entendu un appel à l’aide. L’instant d’après, la porte d’entrée s’ouvrit à la volée, laissant passer un garçon, à peine adulte, essoufflé. L’aubergiste le reconnut :
- Tobias ? Que t’arrive-t’il ?
- Abers ! Vite ! On a besoin d’aide ! Au plateau ! Un éboulement ! Ils sont tous dessous !
Chapitre 2 : L‘éboulement
- Comment ? Mais que s’est-il passé ? Tobias !
Le jeunot était en sueur, et la fatigue dû à plusieurs kilomètres de courses l’empêchait d’aligner plus de trois mots à la suite. Il semblait assez costaud pour son âge, à peine quinze ans, surement. Des cheveux bruns lui recouvraient partiellement les yeux.
Abers, l’aubergiste, le fit asseoir et apporta à boire pour l’enfant. Son jeune âge lui permettait de récupérer rapidement, aussi, après quelques secondes de répit, et un grand verre d’eau avalé, il put s’exprimer plus clairement.
- Il faut dépêcher du secours de toute urgence ! Il y a eu un effondrement dans le souterrain et ils sont tous coincés dessous ! Seul trois autres gars s’en sont sortis et tente d’ouvrir un passage, mais le temps presse !
- Et Mathias ? demanda l’aubergiste. Tobias se mit à sangloter.
- Il était dedans également !
- Ce n’est pas possible ! On va regrouper du monde et les sortir de là, ne t’inquiète pas !
Malgré ses paroles, l’inquiétude d’Abers était palpable. Tobias était au bord des larmes et ne savait visiblement pas comment sortir de cette situation.
A leur table, nos quatre héros n’avaient évidemment rien raté de cet échange. D’un regard entendu, il était évident qu’ils prêteraient mains fortes. C’est Aven qui parla la première. Elle se leva doucement, sans bruit, et s’approcha du garçon. Ne sachant comment le réconforter, elle l’apaisa néanmoins par ses paroles.
- Bonsoir, jeune Tobias. Je ne sais si nous serons réellement utiles à votre détresse, mais mes compagnons et moi-même sommes tout à fait employés à vous aider.
Gareth sauta de sa chaise, suivit d’Alden. Mirma fit la moue, lâcha un soupir de dépit, abandonnant toute idée de repos pour les prochaines heures à venir, puis suivi ses acolytes. Abers, voyant ces quatre étrangers proposer leur aide, sentit que tout n’était pas encore perdu.
- C’est parfait ! Tobias, est-ce qu’il te reste encore assez d’énergie pour refaire le trajet dans l’autre sens ? Guide les jusqu’à la Tour !
Il se tourna vers ces sauveurs providentiels, prit quelques secondes pour jauger de leur fiabilité. Il porta son regard sur chacun d’eux.
Une jeune femme au regard hypnotique, qui dégageait une étrange aura. Elle était à la fois rassurante et oppressante. Abers ne savait quoi penser d’elle. Ses yeux se dirigèrent ensuite sur le Nain. Celui-ci, bien que petit, enfin, une taille correcte pour un nain, restait le plus impressionnant physiquement. Sa barbe tressée descendait le long d’une armure faite de mailles, amplifiant sa carrure. Mais le plus incroyable restait son large bouclier et son marteau, tous deux d’une démesure certaine, gravés d’armoiries familiales. Sentant qu’il s’attardait un peu trop sur le Nain, Abers se concentra sur les deux derniers.
L’Halfelin ne lui semblait pas particulièrement vaillant. Comment pourrait-il se révéler d’une quelconque aide ? C’est ce que pensa l’aubergiste en fixant le luth qui dépassait du dos de Mirma. Et l’homme juste derrière n’apparaissait pas plus vigoureux. C’était un jeune homme d’à peine moins que trente ans, couvert d’un long manteau, ne laissant apparaitre que le pommeau d’une épée. Ses cheveux blonds qui lui barraient les yeux ne permettaient pas de juger ses sentiments. Néanmoins, son sourire semblait franc. Il prit une grande inspiration et poursuivi :
- Je ne sais pas si vous serez capable de miracle, mais c’est toujours mieux que rien ! Suivez Tobias, prenez soin de lui et surtout, merci pour votre aide spontanée !
- Nous accepterons des remerciements quand cette situation sera rétablie ! déclara Gareth.
Abers sourit. Il se hâta vers sa cuisine, et revint rapidement avec deux outres gonflées d’eau.
- Prenez de quoi boire sur le trajet ! De mon côté, je vais rassembler un maximum de monde et de matériel, pour être le plus efficace à notre arrivée !
Puis il se tourna vers Tobias, qui se préparait à repartir. Il lui attrapa l’avant-bras, et l’encouragea de quelques paroles bienveillantes. Rasséréner, le garçon vida un nouveau gobelet d’eau, et s’adressa à nos héros providentiels.
- Il faudra atteindre le plateau, en grimpant vers les montagnes. En se dépêchant, nous pourrions y être en moins de deux heures de marche ! Si vous êtes prêts à partir, alors ne perdons pas une minute !
Chacun vérifia qu’il ne laissait rien sur place, et Gareth en profita pour finir sa bière. Puis, tout le monde quitta l’auberge sans perdre plus de temps, en direction des Monts Saphirs.
…
La route était dégagée, et malgré l’obscurité qui croissait, la lune était presque pleine, offrant une clarté bénéfique à la progression de nos héros. Tobias ne cessait de presser ses compagnons pour qu’ils accélèrent, malgré la cadence déjà suffisamment élevé. Aven tentait de rassurer le garçon, lui faire comprendre qu’augmenter le rythme risquait de les fatiguer trop pour qu’ils soient efficaces à leur arrivée. Et malgré les conditions particulièrement bénéfiques de l’environnement, le chemin sillonnait par moment à flanc de falaise, nécessitant une concentration absolue.
Tobias tenta également de convaincre Aven d’emprunter le pont de cordes, qui leur permettrait de gagner du temps, mais elle restait intraitable sur la sécurité de son groupe. La prudence envers son groupe, Tobias pouvait le comprendre. Mais son père était sous les décombres. Peut-être était-il déjà mort ? Il ne pouvait se résoudre à cette pensée. Un vent de panique s’empara alors de son corps. Il s’immobilisa, tremblant, le souffle saccadé.
Une main se posa sur son épaule, et il entendit la voix d’une femme, lente et douce, qui l’apaisait. Il tourna la tête et ses yeux rencontrèrent ceux d’Aven. Son esprit devint alors confus. La femme qui se tenait devant lui sembla progressivement grandir, son visage prenant une forme triangulaire couvert d’écaille. Il était incapable de détourner le regard, attiré par ces deux pupilles elliptiques. Puis, il se sentit comme enveloppé d’un voile chaud, rassurant, protecteur. D’un coup, sa peur avait disparu, et il se sentait capable d’accomplir le reste du chemin. Il s’éveilla lentement, et constata qu’Aven n’avait pas changé d’apparence. Elle le contemplait en souriant, le sortant totalement de sa torpeur.
- Bon on y va gamin ? Je croyais qu’il fallait se presser ? grogna Gareth.
Le Nain semblait infatigable, et avait déjà pris une bonne longueur d’avance. Mirma et Alden ne s’étaient pas non plus arrêtés, et discutaient d’un air sombre.
- J’arrive ! répondit Tobias en courant vers Gareth.
…
L’astre de nuit commençait à se voiler de noir. Le vent se levait sur le plateau. Cela ne présageait que des ennuis supplémentaires. Une femme, les oreilles en pointes recouvert par une longue chevelure d’ébène, semblait perdue dans ses pensées. Ni les gouttes de pluie qui commençaient à tomber, ni les chocs répétés des coups de pioches résonnant sur la roche ne réussirent à la faire réagir. Elle observait la scène d’un regard vague. Un frisson lui parcourut le corps, puis elle émergea, entendant au loin les cris d’un homme, ou peut-être d’un jeune garçon.
…
Malgré la cadence élevée du groupe, la route qui séparait Brüm du plateau était longue. Une bonne heure s’était écoulés depuis leur départ de la petite ville. Ils arrivèrent enfin au bout de leur périple. Tobias se précipita dès qu’ils ne furent plus qu’à quelques centaines de mètres.
- Dame Sionaas ! Dame Sionaas !
Nos quatre compagnons aperçurent une belle jeune femme, vêtue d’une longue robe blanche, striée de gris, dont le pan supérieur était couvert de motifs dorés. Sur ces épaules, un boléro en plumes noires recouvrait ses épaules, tandis que des longues manches du même blanc que sa robe posaient sur ses bras, contrastant avec sa peau sombre.
Derrière elle se dressait une tour magnifique, de la même pierre blanche que les bâtiments du village. L’édifice devait mesurer plus de dix mètres de hauteur, avec presque autant en diamètre. Quelques fenêtres, dont les contours se dessinaient d’une pierre pourpre, permettaient de faire pénétrer la lumière. Au bas se dessinait une double-porte en bois blanc, sculptée d’un nombre important de symboles étranges. Au sommet se tenaient cinq pointes courbées vers le centre.
- Les secours sont en route ! Et ces étrangers se sont portés volontaires pour nous porter mains fortes, le temps que les autres arrivent ! Est-ce que vous avez réussi à sortir quelqu’un ?
La demie-elfe regardait le jeune homme sans dire un mot. Elle fit un léger signe de la tête, assombrissant d’un coup le visage de Tobias. Il courut alors en direction d’une crevasse, un peu plus loin, à une centaine de mètres de la Tour. Dame Sionaas ne se préoccupa pas plus de lui, et conserva son attention sur ces visiteurs qui arrivaient vers elle. Tous se rapprochèrent, et Mirma prit la parole :
- Bonjour Madame ! Nous accompagnions le jeune Tobias pour vous prêter service, et tenter de porter une aide, si nous l’avons bien compris, à ces pauvres gens ensevelis sous roche !
- C’est bien cela ! répondit la femme. Je vous suis reconnaissante de nous venir en aide.
- Puis-je savoir ce qui a causé cet éboulement ?
- Je n’en ai aucune idée ! répondit Sionaas. Mais l’endroit est incertain.
- Je ne suis pas sûr de saisir vos paroles !
- Il y a des flux de magie ici. Et pour une raison qui m’échappe, sont déséquilibrés !
Il n’est pas le moment de parler de ça, mais si vous êtes ici pour nous aider, n’utilisez en aucun cas la magie, cela ne ferait qu’aggraver la situation !
Malgré ses paroles, Sionaas semblait impassible, et articulait ces mots sans aucune émotion. Mirma le remarqua, mais ne s’en soucia guère. Il était plus urgent de s’occuper des hommes sous les décombres. Il regarda autour de lui. Non loin, plusieurs tentes devaient servir de dortoir, et de réserve. Plus loin encore, une large fissure dans le sol encadrée de quelques poutres laissait résonner des coups de pioches. Un wagonnet apparu, poussé par un homme musclé, de forte ossature. Son visage couvert de sueur et de poussière ne laissait aucun doute sur l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait.
Mirma fit signe à ses compagnons de le suivre. Ils se dirigèrent vers l’homme exténué, déposèrent les quelques affaires qui les gênaient. Aven en profita pour offrir au mineur une des outres qu’Abers leur avait donnée. Puis ils s’enfoncèrent dans la bouche béante qui descendait progressivement dans la roche. L’espace était restreint, et il était difficile d’évoluer à plus de deux personnes côte à côte. Une trentaine de mètres plus bas, Gareth, qui avait pris la tête de la marche, aperçu deux autres hommes qui usaient leurs pioches, extrayant avec force les rochers devant eux. Tobias n’avait pas perdu de temps, et courageusement, il chargeait de gravats un chariot.
- C’est bon les gars ! Voilà la relève ! Allez prendre un peu de repos, on se charge de maintenir la cadence !
Gareth se saisit de l’outil d’un des deux hommes, le colla dans les mains d’Alden, puis s’empara de la deuxième pioche, ne laissant aucune alternative aux mineurs que celle de laisser place. Aven en profita pour suggérer à Tobias de faire de même, ce qu’il fit, non sans quelques réticences.
Le Nain ne perdait pas de temps, et attaquait les rochers entassés avec vigueur, frappant efficacement les points sensibles, tandis qu’Alden observait son compagnon, ne sachant visiblement que faire de cet outil.
- Et alors quoi ? Tu n’as jamais appris à creuser, avec tes livres ? Visiblement, tu n’es doué que pour le sarcasme !
- Il faut dire qu’il est fort rare besoin d’extraire terres et roches dans les bibliothèques !
Et après quelques coups peu convaincants, Gareth pris le commandement des opérations.
- Quand je dis que ce n’est pas un boulot d’Homme, de creuser. Mais non, ils veulent toujours faire mieux que les autres ! Et prouver qu’ils sont capables de tout ! Tu parles !
Il continuait à énumérer toute une flopée de qualités incontestables chez les Nains, arrachant les pierres une à une. Les autres, se chargeaient finalement de remplir le chariot, ce qui avait pour avantage de laisser à Gareth le soin d’observer de son œil expert, puis d’extraire les morceaux efficacement, ce qui n’était pas une mince affaire, le tout n’étant éclairé que par une faible torche.
Aven revenant avec un chariot vide, Alden en profita pour remonter le deuxième, qui était presque plein. Son poids l’obligeait à utiliser tout la force de ses bras et de ses jambes, pour le hisser tout en haut. Il ne se rappelait pas avoir jamais fait une activité aussi physique, et cela le fit sourire. Il était tout à fait accordé à avouer que ce genre de travaux n’était effectivement fait que pour des Nains… ou des Trolls.
L’eau se collait à la poussière que levait le chariot pour former des petits tas de boue, obligeant une concentration absolue pour ne pas être déséquilibré. Arrivé en haut, Alden plissa les yeux instinctivement, pour se protéger des lames qui lui griffaient le visage. Se délestant de son fardeau, il continua sa route pour s’abriter un peu plus loin sous la tonnelle d’une tente. Sionaas s’y trouvait également, l’air absente. Elle observait Alden, mais ne semblait le voir.
- Dites-moi, Madame ! commença Alden.
Je souhaiterais vous demander s’il n’était pas préférable que vous usiez de vos dons pour aider à la tâche ? Et si ce n’est trop vous déranger, j’ai ouï dire qu’il était dans la région un artefact d’une grande richesse. En auriez-vous déjà entendu parler ? Peut-être est-ce cela qui perturbe…
A ces mots, la demie-elfe lui coupa la parole, le visage sévère.
- Au risque de me répéter, je vous interdis d’utiliser le moindre sortilège, si tant est que vous ayez une quelconque connaissance de la magie ! Cela ne ferait que créer plus de problème ! Je n’ai pour ma part aucune utilité dans cette situation et ne peut qu’attendre. Et pour finir, je n’ai ni l’envie ni la patience de converser avec vous, aussi feriez-vous mieux de rejoindre vos amis, si jamais vous êtes réellement ici pour nous aider !
Le ton cinglant de la demie-elfe fit comprendre à Alden qu’il était préférable de s’éclipser. Il retourna alors sous la pluie rejoindre ses compagnons.
…
Le temps semblait s’étirer à l’infini. Plus ils extrayaient de roche, plus ils réalisaient la difficulté de la tâche. Gareth, tout en essayant de conserver son rythme, devait également veiller à maintenir le plafond en usant de poutres et de barres en fer, pour éviter une nouvelle catastrophe.
Ils avaient déjà évacué plusieurs corps, retrouvés malheureusement sans vie, écrasés et privés d’oxygène par les décombres. Cela n’avait pas brisé leur motivation. Le Nain creusait avec force. L’Homme évacuait les chariots que l’Halfelin et la Femme-Serpent remplissaient, soutenus par les quelques autres mineurs. Et alors que tous s’exténuait dans la poussière, Aven s’arrêta pour tendre l’oreille. Il lui semblait entendre à travers la roche, comme quelqu’un creuser également.
- Que t’arrive-t’il, Aven ? demanda Mirma.
- Je crois percevoir des vibrations de l’autre côté de la paroi ! Je ne saurais dire où exactement. Mais j’ai l’impression que l’on creuse vers nous !
Tout le monde s’arrêta pour faire silence, chacun retenant du mieux que possible son souffle. Et ils perçurent à ce moment, comme des grésillements, juste à côté d’eux. Tout proche. A peine quelques centimètres. Puis, avant qu’ils ne réagissent, la roche sur leur droite se craquela brusquement, pour exploser en un nuage de poussière, aveuglant momentanément tous ceux qui se trouvaient alentour. Le grésillement se transforma en un crissement désagréable et bien plus net.
Gareth réagît le premier, ouvrant les yeux sur une créature à la carapace rouillée, semblable à une fourmi géante, atteignant presque sa taille. Il n’avait jamais vu une créature pareille. Son corps était recouvert de plaques chitineuses. Sa tête minuscule parée de deux yeux blancs et pourvue d’une gueule entourée de deux énormes crocs, était coiffée de deux longues antennes qui balayaient le périmètre. Sans avoir le temps de réagir, Gareth vit la créature se jeter sur lui. Il eut tout juste le temps de se reculer, jetant sa pioche et saisissant son marteau.
- Dégager la zone ! hurla-t-il.
Le monstre, détectant certainement un danger à travers l’arme du Nain, se jeta sur lui, la gueule en avant, pour se saisir du marteau, ses antennes frappant devant lui.
Les autres reculèrent, se saisissant chacun d’une arme.
L’espace était restreint. La faible lumière de la torche projetait des ombres gigantesques sur les murs, augmentant la sensation d’oppression. Le temps passé à déblayer avait émoussé leur sens. Gareth était déjà aux prises, tentant de repousser le monstre qui s’acharnait sur lui. Aven, dans un réflexe instinctif, avait sorti son cimeterre. D’un geste ample, elle arracha une patte. La créature poussa un cri strident, de fureur, et fit claquer ses antennes dans sa direction. Aven fut repoussé en arrière, légèrement sonnée. Mirma profita que la créature s’était détournée de Gareth pour lui décocher un carreau de son arbalète de poing, qui s’enfonça dans son abdomen. Ses crissements résonnaient en écho sur les parois instables. Elle se prépara à charger, toute gueule ouverte. BLAM ! Ses pattes tressaillir. Son corps s’agitât dans un dernier soubresaut. Puis, plus rien.
- Par la barbe de mes ancêtres, qu’est-ce que c’était que cette horreur ?
Gareth extirpa son marteau du crâne écrasé contre la paroi, puis se retourna vers ses compagnons.
- Je n’en ai pas la moindre idée ! répondit Aven. Je n’ai jamais rien vu de tel !
…
Personne parmi les mineurs ne semblait avoir déjà vu pareil créature. Après avoir extrait la carcasse, notre corps expéditionnaire décida de se faufiler à travers la galerie creusée par le monstre, en espérant que cela les rapproches d’une cavité plus grande, tandis que les autres continueraient l’excavation de la veine principale.
Gareth et Mirma passèrent devant, se faufilant plus facilement. Après plusieurs minutes à ramper entre la roche et les gravats, ils arrivèrent dans une salle qui semblait avoir été creusée par les mineurs. Aven et Alden qui suivaient difficilement, rejoignirent leurs compagnons. Gareth alluma une torche, afin qu’ils y voient mieux.
- Si on m’avait dit que je passerai la nuit à ramper dans la boue, je crois que je n’aurais pas suivi ce gosse !
- Tu vas arrêter de te plaindre ! grogna Gareth, en avançant sa torche, reflétant la pâle lumière sur les parois.
- Il est vrai que tu es dans ton élément ici, à jouer avec les cailloux et te rouler dans la poussière, mais pour ma part, j’essaie d’éviter les activités physiques inutiles.
Gareth n’eut pas le temps de répliquer, que Mirma s’exclama :
- Ici ! Regardez !
Le Nain orienta la flamme vers sa gauche, révélant deux corps, couvert de poussière et de gravats. Mirma s’apprêtait à se diriger vers eux, quand Aven l’arrêta net, en lui chuchotant.
- Attends !
Il perçait les ténèbres de son regard, cherchant quelque chose.
- Gareth, peux-tu avancer ta torche ?
- Pour qu’elle avance, il faut que j’avance aussi ! répondit Gareth en grommelant.
Il s’avança prudemment de quelques pas, enjambant discrètement les pierres, révélant progressivement la salle. Elle s’élevait à presque trois mètres par endroit, et semblait être creusé en longueur, bien que les éboulis bloquaient par endroit le passage. Sa largeur était suffisante pour pouvoir évoluer à plusieurs côte à côte. Gareth avait déjà progressé d’une dizaine de mètres, lentement. Ses compagnons l’observaient, scrutant le décor qui s’éclairait lentement. Il se figea alors, en levant la main. Devant lui, à une quinzaine de mètres, se tenaient trois créatures, semblable à celle qu’ils venaient d’affronter. Mais plus inquiétant encore, l’une d’elle était nettement plus grosse. Elle l’observait, sans bouger, tandis que les deux plus petites donnaient l’impression de dévorer des morceaux informes. Il n’eût pas le temps d’observer plus longtemps la scène, le plus gros des monstres considérant en Gareth comme un danger. Elle poussa un crissement terrifiant qui résonna tout autour des héros. Le Nain eût tout juste le temps de jeter sa torche au-devant, et de se protéger.
- Y en a trois autres ! cria-t-il en encaissant la charge, manquant de tomber à la renverse.
Ses compagnons s’étaient préparés, et malgré la difficulté à y voir quelque chose, ils se jetèrent au secours de leur ami.
La lutte était féroce. Gareth encaissait la plupart des attaques des créatures, qui l’avaient pris pour cible. Elles frappaient de leurs antennes le Nain, qui faiblissait sous les coups. Son armure et son marteau semblait également prendre une teinte plus cuivrée. Aven et Alden se battaient chacun avec une lame, tranchant parfois une patte ou une antenne, tandis que Mirma cherchait une opportunité pour tirer avec son arbalète. Mais la plus grosse des créatures, qui devait surement être la mère, enchainait les attaques, ne leur laissant aucun répit. Gareth s’effondra. Alden subit lui aussi des blessures, et faiblissait face aux trois monstres. Alden réussit à pourfendre une des engeances. Mais son cimeterre avait subi la même dégradation, et semblait bien moins efficace.
Un carreau vint se planter dans la tête du deuxième rejeton, ce qui ne fit qu’augmenter la rage de la dernière créature, la plus grosse. Alden recula de quelques pas, évitant de peu les antennes qui fouettaient la zone. Il entendit alors juste derrière lui l’Halfelin, qui murmurait.
- Non, Mirma, il ne faut pas user de magie ici !
- La situation l’exige, mon grand ! lui répondit Mirma, à la fin de sa litanie.
Il fit une légère moue, sentant ses paroles se distordre dans l’air. Il redouta le pire. Sa complainte sembla se figer quelques instants. Puis l’air se réchauffa.
Une aura légèrement lumineuse enveloppa alors le Nain, et celui-ci sembla reprendre des forces. Tous l’entendirent tousser, puis se relever avec conviction. Gareth, qui se trouvait à présent dans le dos de la créature, se saisit fermement de son marteau corrodé. Il cracha la poussière qui lui tapissait la bouche, et d’un geste vif, pulvérisa la carapace du monstre. Celui-ci poussa un crissement douloureux, mais avant d’avoir le temps de réagir à cette attaque, se retrouva le crâne transpercé par la lame d’un cimeterre. Elle s’effondra presque aussitôt, faisant trembler le sol.
Aven retira son arme. Chacun se tourna vers les autres, en souriant. Ils faisaient pâle figure. Essoufflés, collant de sueur et de poussière, ils étaient néanmoins heureux d’être encore en vie.
- On ne se connait que depuis quelques heures, mais je serais ravi de te considérer comme un membre de ma famille, Mirma !
- A ton service, Gareth !
La flamme de la torche vacilla, puis s’éteignit.