L'illustration, fenêtre sur l'univers ? 19
Forums > Jeux de rôle
En lisant pour la première fois le jeu Mournblade, j'avais l'impression que quelque chose clochait par rapport au jeu précédent (Elric). On était passé du med fan classique à de la dark fantasy. La différence ne venait ni de la proposition du jeu (on joue des élus), ni du texte en lui-même, mais de l'atmosphère que les images renvoyaient. Et cela changeait tout.
En ouvrant le livre de base de Dune. J'ai été déçu des illustrations (pas de leurs esthétismes, elles sont magnifiques), mais simplement parce qu'elles ne correspondaient pas à l'univers que je m'ettais imaginé en lisant le roman. Si j'avais lu le JDR avant le roman, je suis persuadé que les images auraient nourri mon imagination et qu'elles seraient devenu pour moi des références.
Une fois en partie, en jouant à un JDRA sans illustrations avec ma table. Bien que tout le monde avait lu le jeu, je me suis rendu compte que l'on avaient tous une vision différente sur les détails et l'atmosphère du jeu. Chose qui arrive moins fréquemment avec un jeu illustré.
Alors à quel point les illustrations d'un jeu influences t'elles notre vision de l'univers ?
Beaucoup ! Je me retrouve tout à fait dans tes impressions. Il m'est arrivé plusieurs fois la même chose avec divers jeux, que je les aie achetés ou non, d'ailleurs.
Par exemple, à mes yeux, Earthdawn est associé aux illustrations de la première édition traduite chez Descartes, avec leur style de peinture à l'huile légèrement pompier mais pas trop, et j'ai eu beaucoup de mal à reconnaître l'univers quand j'ai vu passer les éditions suivantes. Du coup, je ne les ai pas achetées, alors que la première édition, même si je ne l'avais pas achetée à l'époque (trop jeune, trop peu d'argent de poche), me tentait bien.
Pour L'Anneau unique, j'ai décidé d'acheter la première édition révisée quand j'ai vu les premiers aperçus de la deuxième édition, parce que j'appréciais beaucoup moins ce qui s'annonçait pour le nouveau livre de base, alors que l'édition 1.5 correspondait de très près à la vision que je me fais de la Terre du Milieu. (Heureusement, la boîte d'initiation de la V2, elle, a l'air superbe.)
Pour moi, il y a un lien très fort entre les illustrations et le texte dans un jeu de rôle. C'est à la fois un avantage, car il suffit de montrer quelques illustrations et tout le monde est sur la même longueur d'onde... mais aussi une contrainte, parce que quand le style graphique change, l'univers s'en trouve changé aussi et cela peut dépiter une partie du public. De plus, c'est très compliqué de proposer quelque chose d'attrayant et de fidèle à la vision qu'on a en tête quand on veut diffuser un jeu amateur ou indé avec peu ou pas de budget illustrations.
On rejoint un peu le problème des adaptations ciné ou série de romans. Les réalisateurs imposent leur vision qui ne correspond finalement que très rarement à celles que l'on a en tant que lecteur. Cela n'empêche pas que l'œuvre cinématographique soit de qualité et développe une vision nouvelle intéressante (que dire de "Apocalypse Now" ou de "Orange Mécanique" par exemple) mais personnellement, j'ai souvent du mal à m'y faire, surtout lorsqu'il s'agit de littérature de l'imaginaire. Cela m'a posé problème avec le Seigneur des anneaux et avec le Trône de Fer, c'est aussi la raison qui me fait hésiter à regarder le Dune de Villeneuve. Ce qui me pose problème là-dedans, c'est que je ne peux me départir de l'impression que le réalisateur impose au monde sa vision de l'œuvre et il me semble que ce n'est pas toujours aussi involontaire que ça. Bien sûr, il y a le côté industrie du cinéma qui oblige la production à développer un produit rentable, mais pourquoi y-a-t-il des adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires, mais jamais l'inverse ?
Pour en revenir au jeu de rôle, c'est aussi un côté qui me freine terriblement à masteriser des jeux adaptés d'œuvres cinématographiques ou littéraires existantes, surtout si elles sont très connues. Mes joueureuses en auront forcément leur vision. Bien sûr, on peut essayer de recomposer une histoire en confrontant et mélangeant les points de vue de chacun, mais je trouve ça plus intéressant de le faire dans des univers ouverts, conçus pour qu'on y bâtisse des histoires. De plus, si effectivement, le visuel n'est pas trop marqué, ou juste suffisant pour donner des indications sans imposer un look, c'est encore mieux. Je pense à des jeux comme "Les Oubliés", "Wastburg", "Ryuutama" et par dessus tout, "Oltrée".
- Ismaren
mais pourquoi y-a-t-il des adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires, mais jamais l'inverse ?
ukko
L'inverse existe. Star Wars, Willow, L'enfance d'un chef... Beaucoup de films ont ensuite été adaptés en livre dont les auteurs ont repris et développé les scénarios, voire écrit des suites...
Il y a même un cas d'école : 2001, odyssée de l'espace. J'avais toujours cru que Stanley Kubrick avait adapté le roman d'Arthur C. Clarke, mais non. Ils ont tous les deux co-écrit le scénario et Arthur C. Clarke a ensuite écrit le roman du film, puis les suites.
Et malgré cela, le 2001 d'Arthur C. Clarke diffère à plein d'endroits de celui de Kubrick.
Pour en revenir aux illustrations dans le jeu de rôle, c'est vrai que ce sont souvent les interprétations de l'illustrateur, sa propre vision des choses, forcément différente de la nôtre...
Mais ça peut aussi être une porte d'entrée dans l'univers tel que l'auteur l'a voulu, surtout quand il travaille en collaboration très étroite avec son illustrateur. Je pense ici à Empire galactique de François Nedelec et à son travail si particulier avec Manchu : François Nedelec lançait une idée que Manchu illustrait, puis François Nedelec rebondissait sur l'illustration pour développer d'autres idées...
Bref, l'illustration est parfois un excellent complément du texte plutôt que sa simple illustration.
Lorsque l'on à une vision d'un univers, je pense que l'on a beaucoup de mal à s'en défaire et à accepter une évolution graphique dans laquelle on ne le reconnais plus.
Dans le cadre d'un JDR ,je ne sais pas si le mieux est d'avoir un texte plus détaillé avec des visuels moins marqués pour permettre à tous le monde de pouvoir y insérer sa vision comme le suggère Ukko. Ou d'avoir des illustrations très précises qui donnent le même cadre à tout le monde mais gènent l'intégration de sa propre vision de l'univers.
Je pense qu'il faut les deux. L'imagination libre de chacun est indispensable, mais une base commune est tout de même nécessaire pour que les joueurs ne partent pas dans des sens trop divergents.
Et là, un dessin vaut souvent mieux qu'un long discours...
L'idéal est peut être qu'il y ait plusieurs illustrateurs, comme dans D&D ou L'appel de Cthulhu... Chaque joueur peut alors imaginer les choses dans son style préféré mais ce qui doit être montré est montré pour que tout le monde soit bien d'accord dessus.
- Wedo
J'ai toujours eu du mal avec les jeux ayant beaucoup d'illustrateurs. Car plus il y a de style de dessins dans un ouvrage moins l'univers est cohérent et crédible. Celà donne un patchwork dans lequel il est difficile de s'y retrouver.
"pourquoi y-a-t-il des adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires, mais jamais l'inverse ?"
Pourtant, de nombreux films ont des versions "novellisés", comme les Star Wars, qui n'ont aucun intérêt littéraire certes, et dont souvent la traduction en français est au mieux ratée, mais qui sont bien une adaptation du film, l'histoire est la même mais racontée différemment. Pur produit marketing dans le cas de Star Wars. (Ninjaté par Gollum je suis)
En revanche, le cinéma depuis ses tous débuts a toujours pioché dans les classiques de la littérature, et dans les moins classiques, pour en adapter des scénarios. Les scénarios étaient d'ailleurs jusqu'aux années 60-70 à peu près encore très littéraires, avant de devenir plus techniques. Bref, le cinéma n'a jamais été ni n'est aujourd'hui "un média indépendant" si l'on puit dire, et les films originaux sont aussi nombreux que les films adaptés d'une autre oeuvre (littérature, BD, comics...).
Avant qu'on nous tape sur les doigts, revenons au sujet, la comparaison avec les images cinématographiques qui imposent une certaine vision aux lecteurs de l'oeuvre originale est tout à fait pertinente. Quand je relis Le Seigneur des Anneaux aujourd'hui, j'ai des images des films de Peter Jackson dans la tête, inévitablement. Pour un jeu de rôle, c'est la même chose, à moins qu'il y ait concurrence. Les illustrations du jdr The Expanse m'ont très peu convaincu, mais si j'y joue un jour, j'aurai les images de la série audiovisuelle en tête, et peut-être qu'un mélange s'opérera, qui sait, entre les illustrations du jeu et les images de la série.
Il est certain que les illustrations d'un jeu ont un grand rôle :
- dans l'appréciation de ce jeu ;
- dans la matérialisation de son imaginaire, la manière dont les joueurs imaginent l'univers qu'ils explorent et parcourent, à la manière d'une carte au début ou à la fin d'un roman de fantasy ;
- dans l'uniformisation des différentes visions des joueurs, de sorte que chaque joueur à la table se représente tel objet, lieu ou personnage à peu près semblable à ce que son voisin se représente s'ils ont tous deux parcouru le livre.
Que serait Degenesis sans ses illustrations ? Un très bon jeu toujours, en tant que tel, à n'en pas douter, mais clairement chaque MJ et groupe de joueurs s'en ferait une représentation autonome.
Il y a aussi le piège des illustrations : on achète un jeu parce que l'objet-livre est beau, il est rempli de belles illustrations qui nous séduisent, mais on n'y jouera jamais pour telle ou telle raison, et il reste sur une étagère. Ou aussi un jeu moyen aux belles illustrations qui seules suffisent à motiver à acheter et à jouer ensuite, avant de se rendre compte que le jeu n'est pas forcément au niveau de ses illustrations. Parfois, quand on se penche à une fenêtre, on tombe.
Personnellement, autre que les illustrations, c'est le système de jeu qui m'en dira plus sur l'univers et me séduira ou non. Par exemple, je joue à Knight pour le système de jeu qui m'apparaît, loin d'être parfait, du moins très ludique et amusant, mais les illustrations de gros gars en armure qui massacrent des monstres à la pelle et de grosses armes futuristes, ça ne me parle absolument pas, j'aurais même plus tendance à m'en moquer. Mon imaginaire de l'univers de Knight se repose bien plus sur les actions possibles grâce au système de jeu que sur les illustrations du jeu, que je trouve parfois en décalage complet avec ma vision de l'univers. Ceci dit, les illustrations des monstres de l'Anathème de la 1.5 sont très bien.
Et même si je n'ai pas d'exemple en tête là tout de suite, je comprends parfaitement qu'un changement de style graphique voire de sujet graphique entre deux éditions d'un même jeu de rôle puisse changer la perception de l'univers du jeu, et ce même si le contenu écrit était similaire. Avant même la lecture, ce sont les illustrations qui marquent le lecteur. Il en faudrait très peu ou pas du tout pour que ce ne soit pas le cas. Et s'il n'y en avait pas du tout, à titre personnel, ça ne me dérangerait pas pour jouer.
Si le risque qu'une scène soit mal comprise par les joueurs faute de représentation commune existe, que chaque joueur imagine sa propre représentation est aussi une richesse exploitable qui permet de créer une expérience unique. En tant que MJ, je joue très peu avec des images à montrer aux joueurs, je me fonde quasiment uniquement sur mes descriptions, chaque joueur rebondit alors à sa manière sur tel élément ou tel autre, et le jeu continue. Parfois, plus tard, en discutant de la partie, on se rend compte qu'un joueur n'avait pas du tout imaginé une scène de la même manière qu'un autre, et ce n'est pas un mal.
Enfin de la même manière que tout le monde autour d'une table de L'Anneau Unique n'aura peut-être pas vu les films de Peter Jackson, si si, ces gens existent, un livre de jeu de rôle est souvent la propriété d'un MJ et les joueurs peuvent ne pas avoir parcouru toutes ses illustrations ni s'en être imprégnés. Reste l'écran de jeu, s'il y en a un, l'illustration principale qui sert de référentiel aux joueurs pendant la partie.
Pour conclure ce relativement long message, j'écrirais que ukko et Wedo soulèvent deux points importants :
- quelle place les illustrations d'un jeu laissent-elles à l'imaginaire ? Certaines, précises et réalistes jusqu'au moindre détail, semblent parfois contraindre l'imaginaire à s'y référer fidèlement, quand d'autres misent davantage sur l'espace laissé libre à ce même imaginaire, libre de créer le hors champ, de s'interroger sur telle forme mal définie, de se demander ce que peuvent bien regarder les yeux effrayés, surpris peut-être, de ce personnage illustré, etc. Dans les deux cas, si l'illustration a un but différent, elle reste très influente sur la manière dont on s'approprie ou non un univers de jeu de rôle.
- quel équilibre entre le texte et l'image ? car un livre de jeu de rôle est définitivement dans une grande partie des cas un objet hybride, qui se présente à la fois sous un aspect textuel, parfois chiffré, et imagé, et l'univers est ainsi décrit aussi bien par sa description, que par la partie technique concernant le système de jeu, que par les illustrations. Un texte vaut-il une image et inversement ? Sachant qu'un texte descriptif dans un jeu de rôle est rarement littéraire, il s'agit de donner des informations claires et précises en vue de les exploiter en jeu. Ainsi, on peut comprendre l'importance des images dans un livre de jeu de rôle et leur influence sur l'imaginaire du lecteur comme un contrepoids nécessaire au texte peut-être un peu aride ou technique, j'écris cela sans critique aucune, qui compose l'essentiel de l'ouvrage, non pas tant une fenêtre sur l'univers du jeu qu'une porte d'entrée sur le livre-jeu lui-même. Faudrait-il alors à un jeu des textes plus littéraires pour qu'il puisse se passer d'illustrations, au risque de perdre en clarté ?
J'ai toujours eu du mal avec les jeux ayant beaucoup d'illustrateurs. Car plus il y a de style de dessins dans un ouvrage moins l'univers est cohérent et crédible. Celà donne un patchwork dans lequel il est difficile de s'y retrouver.
Wedo
C'est vrai que c'est rarement aussi beau qu'un ouvrage où toutes les illustrations sont dans le même style (et où la mise en page est effectuée pour être le plus en harmonie possible avec elles).... Oniros (version d'initiation de Rêve de Dragon, 2e édition) était un cas d'école de ce genre de réussite.
Et c'est vrai aussi que lorsque les styles sont trop différents les uns des autres, cela donne un aspect patchwork très gênant pour la crédibilité de l'univers...
Mais, d'un autre côté, lorsqu'il n'y a qu'un seul illustrateur, si bon soit-il, on a l'impression d'être enfermé dans sa vision de l'univers et que tout ce qui s'en écarte ne fonctionne plus. Si le MJ présente l'illustration d'un PNJ, par exemple, et qu'elle n'est pas faite par la même personne, ça sonne immédiatement faux.
- Wedo
Je vois très bien ce que tu veux dire. J'ai eu ce sentiment lorsque je suis passé de Polaris 3 à la version 3.1 et que dans les livres de base les illustrations des PNJ ne sont pas du tout les mêmes. J'ai eu énormément de mal à m'y faire et au final, ce sont les illustrations de la version 3 qui me viennent encore à l'esprit quand je pense à un personnage important du jeu.
Les illustrations sont capitales pour moi. Il m'est arrivé de ne pas lire un jdr car je n'aimais pas les illustrations où parcequ'elles n'étaient pas assez nombreuses dans le livre. Le visuel est très important pour moi sinon je lis des romans.
- Wedo
Il est vrai qu'en boutique, on est d'abord attiré par une jolie couverture. Puis quand on le feuillette c'est surtout les dessins que l'on regarde pour ne s'intéresser qu'en dernier au texte. Si à la première étape on n'aime pas les illustrations on à tendance à reposer le livre sans laisser sa chance au texte, c'est dommage.
Notre loisir se passe davantage dans notre imagination et rien ne nous empêche d'imaginer les visuels qui nous plaisent sur la description du MJ. Les illustrations ne sont elles pas simplement un guide pour éviter que les imaginations de chacun ne se dispersent trop ?.
J'ai joué à des JDRA sans illustrations qui sont pourtant géniaux. Le texte sert aussi de guide dans ce cas là. Quand on nous décrit un univers med-fan ou contemporain cela guide aussi notre imagination. Les illustrations sont un complément à forte valeur ajoutée, mais pas forcément indispensables. Les illustrations servent surtout à faire passer ce que le texte à du mal à faire, comme l'atmosphère.
Ne vaut il pas mieux avoir un JDR sans illustrations, qu'un avec des images qui ne nous plaise pas et qui deviennent des références de l'univers ce qui à tendance à nous faire décrocher de ce dernier.
Personnellement plus le temps passe, plus je donne de l'importance à l'uniformité des illustrations.
Dans Würm, presque toutes les illustrations sont faites par la même personne. Ca donne un sentiment de cohérence très plaisant. On comprend bien l'ambiance que le jeu veut faire passer.
Et à côté de ça, on a des éditeurs comme PAIZO qui ont recours à des freelance pour les illustrations de leurs jeux, avec parfois de nombreux freelance qui se succèdent dans un même livre. On se retrouve avec des illustrations aux styles complétement différents entre les livres. Je trouve ça très visible sur la gamme Pathfinder V2 en VO ; on a certains livres qui présentent une couverture réalisée par Wayne Reynolds, et qui renvoient une ambiance assez agressive et sérieuse. Mais une fois le livre ouvert, on se rend compte que de nombreuses illustrations sont en fait réalisées dans un style naïf, voire enfantin dans certains suppléments de lore (surtout les derniers). Je ne parle pas de desisns qui ressemblent à des dessins d'enfants, au contraire les illustrations sont toujours bien faites. Je parle plutôt du fait que ces illustrations évoquent un univers doux et naïf, là où d'autres illustrations représentent l'inverse.
Je pense que les illustrations sont très importantes et permettent à un MJ de percevoir immédiatement à quoi ressemble (ou devrait ressembler) l'ambiance d'un monde de jeu.
J'ai grandi avec le vieux Monde des Ténèbres de WW où la charte graphique, le noms des illustrateurs et l'habillage général étaient très importantes. La légende raconte que Tim Bradstreet aurait préféré être payé cash plutôt que de gagner des royalties pour ses illustrations pleines pages sur la première édition de Vampire. Bien mal lui en pris car c'est son boulot qui a beaucoup fait pour attirer le chaland.
Au fur à mesure des années, avec l'inflation de leur budget de White Wolf, l'éditeur a attiré des gars assez incroyables issus des comics ou du monde de l'illustration : Guy Davis, Phil Hale, Tony DiTerlizzi et le regreté William O'Connor. Pourtant, ils gardèrent toujours une place pour leurs artistes disont "maison" comme le très dérangé John Cobb et le manga -isant Timbrook. Ces illustrations ont berçé mes jeunes années (même si je comprends qu'elles puissent déplaire) et ont toujours inspiré mes représentations des jeux comme MJ. Les nosferatus de Guy Davis tout voûtés et habillés dans des chiffons par exemple ou les Loups Garous au regard fou de Ron Spencer.
C'est assez marrant car c'est au moment où les illustrations ont commencé à partir en sucette (aussi bien au niveau du budget alloué que de certains mauvais choix éditoriaux) que j'ai lâché l'affaire. Pas mal de fans du WoD ont tiré la gueule en découvrant les illustrations de Hunter: The Reckoning où les "chasseurs" étaient représentés en surhommes capables d'invoquer des pouvoirs dingos (papy qui empale un loup garou à la petite cuillère). C'était d'ailleurs complètement contre-productif car ces derniers n'étaient pas très puissants quand on lisait les règles.
La V20 a enfoncé le clou pour moi avec une édition de vampire que j'ai trouvé particulièrement laide et des illustrations cheaps. Le must était les ignobles illustrations de clan avec des esquisses de Timbrook finies par Leif Jones. J'ai eu beaucoup de mal à me plonger dedans et je l'ai donné à un pote assez vite. Pareil pour la V5, malgré des qualités évidentes, les illustrations et les défilés de mode n'étaient clairement pas ma came.
A l'inverse, j'ai acheté Midnight et Symbaroum malgré mes réticences (je suis pas fan de donjon par exemple) car les illustrations étaient cohérentes et toujours d'un excellent goût. Et quand j'essayais d'expliquer Symbaroum à un pote et qu'il n'arrivait pas à "saisir" le mix Princesse Mononoke et Trône de Fer, je lui ai dit de regarder sur Google Images et il a capté tout de suite. Les (belles) images valent donc souvent mieux qu'un long discours.
L'illustration est très importante pour un jeu. C'est une aide indispensable à la conceptualisation de l'imaginaire de l'univers décrit dans un JDR. C'est une base commune pour aider les joueurs a se forger l'univers du jeu.
Dans un JDR la part des illustrations est souvent plus onéreux que la création du jeu lui-même. Suite à l'augmentation des prix du papier et des transports, notre loisir est devenu inacessible à une partie des joueurs qui ne peuvent se permettre de payer leurs jeux 30% plus cher qu'avant. Aussi la démocratisation des illustrations généré par IA ne me choque pas vraiment. Les illustrations sont souvent correcte et ca permet a des petits jeux qui n'ont pas forcément les moyens de pouvoir exister. Ces jeux ne peuvent exister que parce qu'ils proposent des prix attractifs grace aux illustrations généré par IA.
L'utilisation des illustrations généré par IA est à mon sens choquant, seulement si elle est faite dans le but d'augmenter sa marge, pour un JDR qu'on sait pertinement qu'il se vendra bien.
J'ajouterai que les illustrations sont aussi à double tranchant pour les joueurs: cela peut les aider à rentrer dans l'ambiance de l'univers si elles sont bien adaptées. A l'inverse, vouloir tout illustrer limite je trouve leur imagination, et peut avoir un effet anti-immersif si il n'y a pas de cohérence globale des illustrations.
Pour revenir à un exemple déjà discuté, beaucoup des illustrations de Laelith (PNJ/créatures surtout) ne sont pas vraiment dans l'ambiance du texte, je ne les utilise pas en partie car j'ai peur que cela nuise à l'atmosphère que je souhaite/ressens pour cette ville.
Je me demande si le besoin ou l'envie d'avoir des illustrations dépend en partie de l'âge du Rôliste.
Les jeux auxquels je jouais dans les années 80, début 90 ne fourmillaient pas d'illustrations. J'ai encore le souvenir de me voir, ou de voir d'autres MJ, planquer le texte de la main pour tourner un bouquin vers la tablée et montrer les illustrations des monstres, ou d'autres rares images.
Depuis que j'ai repris le JdR il y a 2 ans, il y a tellement de possibilités avec ce qu'on peut trouver sur le net, en plus des illustrations des manuels, que j'essaye d'illustrer chaque scène, voire tous les PNJs dans certains lieux bien définis où les PJs vont passer du temps.
Et j'entends aussi parfois la remarque que l'on n'a pas besoin d'illustrations, généralement de joueurs de ma génération.
A mon humble avis c'est justement un mouvement generationnel qui vient des rolistes plus âgés, ceux qui ont joué à ces JDR "peu illustrés" des années 80 mais qui aujourd'hui ont le pouvoir d'achat pour vouloir "plus".
Je veux dire par là que la locomotive de ces JDR magnifiques qui sortent depuis 15 ans de plus en plus est le pouvoir d'achat croissant d'un nombre croissant de rolistes trentenaires et quarantenaires... dont une partie sont dans la catégorie célèbre du collectionneur involontaire ou non assumé
Er je me compte là dedans (sauf pour le côté collectionneur, j'ai un besoin clinique d'utiliser au moins un peu chacun de mes achats), en effet j'ai aujourd'hui une incapacité à m'intéresser vraiment totalement à un jeu qui n'a pas certains standards qualitatifs de mise en forme... bien malgré moi d'ailleurs
L'illustration fait partie de l'imaginaire du jeu. C'est un pilier. Pas besoin d'en avoir beaucoup, mais à mon sens elles reflétent un univers. Une ambiance. Par contre lors de la partie je montre rarement les illustrations (qui comme dit plus haut peuvent être à double tranchant). Ou alors je les montre rapidement histoire de donner une base à la construction imaginaire.
Mais pour un scénario ou un jeu j'aime avoir une tonalité, l'illustration donne en quelque sorte le La.
Pour celles et ceux que cela intéresse, Caroline de Fondu Au Noir a interrogé trois illustrateurs (Rackham le Roux, Frédéric Guédon et Matthieu Papy) qui ont travaillé sur nos scénarios : https://www.youtube.com/live/N56BX_8287Q?si=3ptcvS65p8_5cAUB